Hors contexte, l’audio attribué à Elections Cameroon a été publié en 2020 et ne prouve pas un trucage des présidentielles en 2025

Déclaration
Une fuite audio révèle le directeur d’Elecam et un organisateur du scrutin « multipliant les stratégies pour truquer les élections
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Verdict
Hors contexte
Une audio circule actuellement sur les réseaux sociaux présentée comme la preuve irréfutable d’un plan de manipulation des résultats de la présidentielle d’octobre 2025. Après vérification, KubaaruCheck a trouvé que cet enregistrement sonore date de 2020.

Une vidéo partagée sur Facebook le 15 mai 2025 fait état d’une conversation interne à Elections Cameroon (ELECAM) présentée comme la preuve irréfutable d’un plan de manipulation des résultats de la présidentielle d’octobre 2025. Après vérification, KubaaruCheck a trouvé que cet enregistrement sonore date de 2020.

Dans cette nouvelle publication, une voix masculine introduisant la vidéo affirme qu’une fuite audio révèle le directeur d’Elecam et un organisateur du scrutin « multipliant les stratégies pour truquer les élections ». Le fichier est accompagné de légendes telles que « Voici une fuite audio d’ELECAM » et « On sacrifie le pays pour 10M ». La publication soutient que cette audio constitue une preuve irréfutable d’une « manœuvre mise en place pour maintenir Paul Biya en 2025 » et que le scrutin du 12 octobre 2025 serait déjà sous l’emprise de « fraudes électorales » menées par le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC). L’audio contient une discussion où l’un des interlocuteurs demande à l’autre de lui dévoiler ses stratégies pour truquer les votes en faveur du RDPC. Ce post a recueilli un engagement considérable, elle a été aimée plus de cinq mille fois, commentée plus de quatre mille fois et partagée plus de trois mille fois.

Cette publication s’inscrit dans un contexte où l’indépendance d’ELECAM est fréquemment remise en question par certains acteurs politiques comme cela a pu être observé lors des élections de 2018. Elle évoque des interrogations quant à la neutralité des autorités en charge des élections à l’approche des présidentielles d’octobre prochain.

Vérification

Une recherche par mots-clés « fuite conversation téléphonique président Elecam en fraude électorale » sur Facebook dans la section vidéo a permis à KubaaruCheck de retrouver la version originelle du fichier dans une audio d’une durée de dix neuf minutes publiée le 8 février 2020 par Youth Revolution, soit un jour avant le double scrutin législatives et municipales. La suite de l’enquête a permis de retrouver une version récente de l’audio qui a été publiée le 30 juillet 2024.

L’analyse des métadonnées via Melobytes de toutes les copies de l’audio quant à elle n’a donné aucun résultat important en rapport avec la date de création du fichier.

Les copies audio diffusées en 2020 sont accompagnées d’une légende affirmant qu’ « Elecam fut pris en flagrant délit de fraude électorale pour le compte des élections couplées du 09/02/2020, et incluant un appel direct : Restez chez vous ce dimanche. #Boycott_elections_Fevrier_2020 ». Par contre, la copie du fichier partagée en 2024 est présentée avec une légende décrivant une « conversation téléphonique entre un  Chef d’antenne Elecam de Kekem et l’autre en tant que l’homme d’affaires et promoteur de Néo Industries ».

Les commentaires sous la publication de la vidéo soulignent un manque d’unanimité sur la date exacte et le lieu des événements dépeints dans la vidéo, ainsi que sur les acteurs impliqués. En effet, un utilisateur, dénommée Ulrich Mrpropre, affirme qu’il s’agit d’une « vidéo réelle pendant les élections présidentielles de 2018 ». Dans la même veine, Jérôme Ndetta indique que « C’est un audio de 2018 ». Cependant, Gabin Ngankam propose une autre interprétation, situant la scène comme quoi c’est les « élections législatives 2020 à Kekem ». Il précise également que l’incident impliquerait « NEO INDUSTRIE qui deal avec un agent d’Elecam », ajoutant que la vidéo  « Ça fait près de 3 ans que ça circule Rémi ».

L’auteur de la publication attribue l’audio à l’actuel Directeur Général d’ELECAM, Erik Essousse. Après analyse comparative, les deux voix présentes dans l’enregistrement ont été confrontées à celle de M. Essousse. Le résultat de cette vérification permet d’affirmer qu’aucune des voix ne correspond à celle du Directeur Général d’ELECAM.

L’analyse de l’audio avec WaveEditor a révélé des signes d’un enregistrement direct. En effet, l’audio révèle une qualité sonore et une richesse de détails supérieures aux enregistrements téléphoniques classiques, avec un spectrogramme atteignant 4.081 KHz. On note des discontinuités et des transitions abruptes dans l’intervalle 52ème et 57ème secondes de l’enregistrement. L’enregistrement présente aussi une anomalie chronologique flagrante, notamment une réponse est entendue avant sa question, en particulier durant les cinq premières secondes, rendant la conversation incohérente. 

L’analyse de l’audio avec également Hiya deepfake voice detector, un outil de vérification d’audios manipulée, n’a révélé aucun résultat de l’IA. Au contraire, il rapporte que l’extrait trié semble être authentique avec un score de 71 sur 100. 

Pour approfondir notre recherche, nous avons contacté Rémy Ngono, l’auteur de l’information, par message direct via WhatsApp le 9 juillet 2025. Notre objectif était de recueillir des informations complémentaires sur la date et le contexte de l’enregistrement mentionné. Cependant, malgré nos tentatives de contact, il n’a pas répondu à nos sollicitations à ce jour.

En conclusion, cette information selon laquelle Elections Cameroon est impliqué dans un trucage du scrutin de 2025 est hors contexte. KubaaruCheck a trouvé qu’il s’agit d’un vieil enregistrement dont aucune source officielle, ni preuve indépendante ne font mention dans les accusations de manipulation du scrutin du 12 octobre 2025.

Cette publication s’inscrit dans le cadre des efforts continus de vérification des faits menés par KubaaruCheck, visant à analyser les contenus identifiés comme potentiellement trompeurs sur Facebook, TikTok, X et autres réseaux sociaux.

Cet article a été rédigé par le fact-checker Jonas Kaaga et édité par Salomon Garaobe, et approuvé par Jean Besane Mangam, rédacteur en chef à KubaaruCheck. Ceci est une initiative soutenue par l’Association pour l’Éducation à la Citoyenneté Numérique (DigiEduCivic), qui encourage l’esprit critique et la responsabilité numérique auprès du public.

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